Voyages de Fred Tran Duc

Il y a 35 ans, un motard décidait de partir sur les routes du monde au guidon d’une moto si petite qu’il la surnomma Puce.

Après une première virée jusqu’à la mer Rouge ; il décida de larguer les amarres pour un long voyage qui l’amena au Moyen Orient, en Asie et aux Etats Unis.

Mon deux roues se limitait alors à un modeste Peugeot 102 MS mais je crois que je sentais déjà au fond de moi cette envie de prendre la route.

Et c’est avec une certaine fascination que je lus, dévorai plutôt, la « Carte postale d'un bout de monde « que Fred Tran Duc adressait, plus ou moins régulièrement à Moto Journal. A travers ses écrits, je crois que je me projetais dans les pays qu’il traversait. J’aimais particulièrement les longs passages consacrés aux rencontres et aux relations qui se nouaient, je me régalais de cette relation d’amour avec sa petite moto qui en devenait presque humaine.

Je me souviens de son retour après trois années sur les routes.
J’étais alors sur le point d’entamer mon premier (mais pas dernier) voyage au guidon de ma petite Honda 125 CG.

Je crois, non, je suis sûr, que Fred y était pour quelque chose. Il avait alimenté une vague envie d’espaces lointains enfouie au fond de mon cerveau ; il m’avait montré que le voyage était quelque chose de simple et générateur de bonheur.

Sa mort, il y a bientôt un an, m'a attristé.

J'ai eu envie de lui rendre hommage. http://www.motards-en-voyage.com/fred-tran-duc-carte-postale-dun-bout-du-monde



Sa carte postale d'un bout du monde commence ainsi:

J'ai longtemps vécu au chaud dans mon village natal, qui, même à quatorze kilomètres de Paris, était en ce temps-là à l'autre bout du monde.

Paris nous était Byzance...


Enfant, comme la plupart, je en voyageais jamais seul. Protégé par le cocon familial, je ne sentais pas les distances. L'automobile paternelle, nid familial compact avec Papa, Maman, frères, chat et bagages accompagnés, était notre bastion. Nous faisions ensemble semblant de nous mouvoir, mais en fait c'est l'étranger qui se mouvait vers nous. Non que nous le méprisions, mais le fait d'être en bloc nous donnait la certitude que rien ne nous empêcherait d'être de retour à l'heure ...

Ce bastion s'écroula un jour, lorsqu'un foutu enfant de Marie trouva malin de graffiter sur le panneau "Paris 14 km", qui était l'une des fiertés de notre commune et de la nationale 14 réunies, "Ougadougou, 7241 km".


Dis, Papa, c'est vrai que la rue de Paris va à Ougadougou?


Ce que mon père m'expliqua cette nuit là, assis comme un jurisconsulte sur son lit, main gauche, l'index gardant la page du Fleuve Noir dont mon incursion avait interrompu la lecture, posée sur le dessus du cosy, main droite frottant par moments, comme pour mieux exciter la pensée, sa joue hérissée d'une barbe rêche au baiser, avec un bruit de barbe-à-papa, m'a trois cent mille fois plus impressionné que la révélation des mystères du sexe, laquelle me fut faite, blague à part, par la bande...

Oui, au fond, elle y va: quand tu vas à l'école, en sortant de la maison, il faut que tu tournes à droite, puis à gauche, puis à droite, puis tout droit dans la rue de la station, puis à gauche après chez Madame Large, tout droit et à droite Si tu fais autre chose, tu peux te retrouver n'importe où... En fait, de la maison, il y a des routes qui mènent à Ougadougou, à Moscou, partout...


- Et si je vais toujours tout droit?


- Si tu vas toujours tout droit, tu fais le tour de la terre et tu reviens à la maison, mais tu arrives par derrière, par le garage; mais on ne peut pas aller tout droit.


- Pourquoi?


- Parce qu'il y a toujours des obstacles à contourner.


Oh, Papa! Qu'as-tu dit?


Et merde alors, j'aurais eu un père comme ton beauf' qui m'aurait dit en bon chrétien "la rue de Paris s'arrête porte de la Chapelle", tout ça ne serait probablement jamais arrivé...

Au revoir Fred !

J'avais alors 15 ans et cette chronique me fascinait tout autant qu'elle me projetait sur deux roues vers des horizons lointains et inconnus. Que de rêves d'aventures elle m'a procuré !
Je suis triste d'apprendre son décès et je te remercie de ce bel hommage qui le fera revivre un peu et qui a su réveiller des souvenirs enfouis (mais pas enfuis) ...

on a été nombreux a vivre les cartes postales de "fred"
bel hommage Christian

J'en ai lu kekzune aussi

Fred , c'est LUI qui m'a donné l'envie de voyager à moto . Un Inspirateur , un Instigateur , un Marchand de Reves qui m'a fait du Bien par la simplicité de ses voyages . Le gars qui te prouve que t'as pas besoin d'un 1300 bardé d'eélectronique pour voyager loin et rencontrer les gens.

nous ici on a notre grand petit mono qui nous reveille les sens avec ses voyages
des gens comme je les aime et respecte