De Pau jusqu’à ce petit village de Dordogne, entre Bergerac et Périgueux, il y a 260 kilomètres.
Pour s’y rendre, une route avec de trop nombreuses lignes droites, entrecoupée de trop rares portions sinueuses, à mon goût.
Ce samedi matin, après avoir consulté la carte Michelin, (ma préférée, la version jaune, qui détaille les voies les plus étroites), je décide de rallonger un peu l’itinéraire. En partant plus tôt, je serai à l’heure pour le repas de midi.
Pendant que le moteur chauffe, je me baisse pour ouvrir le robinet de mon nouveau graisseur de chaîne que j’ai installé il y a deux semaines. Je tâtonne encore un peu dans le réglage du débit idéal, mais je commence à l’apprécier lorsque je regarde ma chaîne, toujours légèrement huilée.
La nuit est en train de tirer sa révérence lorsque je quitte le quartier calme et désert. En haut de la côte de Morlaas, je rattrape une Harley Davidson, modèle Sporster. Le gars semble avoir le même rythme que moi et je reste derrière lui. Pas trop longtemps quand même car, à priori, une Harley, ça se balance moins facilement qu’une Transalp et je le recolle dans tous les virages un peu serrés. Qu’à cela ne tienne, une impulsion un peu plus prononcée sur la poignée de gaz et je le dépasse en le saluant.
Peu après, je bifurque vers cette belle petite route, qui alterne les passages sur les coteaux, avec les Pyrénées en ligne de mire, et les descentes dans les parties boisées. La brume s’invite, par intermittence, discrète, juste pour magnifier le paysage automnal.
La route est parfois bosselée et je loue les grands débattements de ma moto. La circulation est nulle et je prends mon rythme. Dans le rétroviseur, j’aperçois le phare de la Harley qui reprend du terrain dans les lignes droites.
Rabastens de Bigorre : je fais une courte halte chez des amis, le temps d’un petit thé.

Ensuite, c’est le soleil qui s’élève dans le ciel, les routes secondaires prises, moitié avec l’aide de la carte, moitié en suivant mon instinct. J’évite ainsi les grands axes, parfois j’en traverse un. Je me régale, bercé par le ronronnement discret de ma Transalp.

Comme souvent, je me sens de mieux en mieux au fil des kilomètres ; j’ai besoin de temps pour atteindre la plénitude dans mon pilotage. Le bonheur de rouler se renforce. Je n’ai d’ailleurs plus envie de faire des pauses, juste quelques arrêts rapides pour une photo, mais rien d’autre.

De temps en temps, dans mon horizon, surgit un village. Je le traverse paisiblement, admirant quelques belles bâtisses. Puis, je retrouve ma vitesse de croisière, juste équilibre entre la lenteur et une vitesse excessive, qui me permet de piloter et non conduire, mais sans être en décalage avec mon environnement. Une douce jouissance.
Cela me laisse le temps de profiter des arbres bordant la route, des champs et des prairies formant un beau canevas, des vieilles maisons chargées d’histoire.

Sur cet itinéraire, les ronds-points, les zones commerciales, les feux rouges sont aux abonnés absents ; les radars aussi !
Vers la fin du parcours, je retrouve la rocade qui contourne Bergerac mais je la quitte bien vite pour m’enfoncer dans les vicinales boisées pour conclure en beauté ma petite ballade.


J’arrive devant la maison, coupe le moteur.
Ma Transalp est posée sur sa béquille latérale. Je la trouve encore plus belle après ces presque cinq heures de route buissonnière.
